Le voyage n’en finissait pas. Et les heures, ces sales heures de s’étirer sous le ciel, blanchâtre, laiteux comme une huître, ou comme le blanc de notre œil qui tournait, qui s’en allait vers le sommeil.
Mais nous ne rêvions pas. C’est le dehors qui nous rêvait.
Ça respirait doucement, lentement, au rythme des câbles aériens qui montaient, puis descendaient, puis remontaient, puis descendaient, à travers la vitre, entre les poteaux de bois ou les pylônes en treillis métallique.
Et ça réfléchissait de partout. Des traînées se confondaient dans le jour morne, de nuages qui s’acoquinaient comme des humeurs incompatibles.
Des champs à perte de vue se recouvraient, terreux, herbeux, parfois inondés, comme des rizières.
Paysages intermédiaires.
Entre ici et là-bas, nous n’étions plus nulle part – parce que toujours ailleurs.
Et nous nous demandions: quand est-ce qu’ici devient là-bas?
Il n’y avait pas de limites. Ou plutôt: il n’y avait que des limites.
Des lisières d’arbres se succédaient. Des confins.
Et puis, soudain, le réveil. Une apparition. Des bicoques abandonnées: una cascina. Une enceinte délabrée. Un pieu. Un pneu. Une pièce de tissu rouge sang sur le gris.
Ou alors un arbre dans la solitude, champignon sorti de terre, sorti de l’eau – plumeau vert qui nettoie tout et qui dit simplement: là-bas, c’est ici.
(Prochain rendez-vous le 10 mai dans La Cité.)
image: Sandro Santoro
texte: Filippo Zanghì
Je me souviens d’avoir passé des heures à regarder les câbles qui montent et qui descendent, couchée sur
la banquette arrière! trop beau
Encore une superbe association texte-photo, bravo les gars!