J’ai acheté des palmes tressées et je suis descendu pour la bénédiction, dans la partie basse du village.
L’église est rose, plutôt petite. Charpente restaurée. Poutres et lambris. Face à la porte latérale, sous verre, la statue de la Madone de Lourdes. Ils sont allés la chercher en ville en 1919 et l’ont transportée sur leurs épaules. Dans l’allée centrale, une trentaine d’enfants, petits et grands, alignés deux par deux. Le prêtre fait un aller-retour dans la nef pour bénir les palmes et les rameaux d’oliviers. Tous les bras sont levés.
On remonte le village en procession et c’est la messe. Après, je vais manger chez mon grand-oncle.
L’après-midi, je vais au bar prendre un café et lire le journal.
Celui qu’on appelle «u mùtu», le muet, m’a offert le café et s’est assis à ma table, sous la véranda plastifiée qui remue. Il a plus de 80 ans, mais en paraît 65. De temps en temps, il pointe un article du doigt. À la rubrique sportive, il montre tous les résultats des matchs de foot. Un type arrive, un retraité sans doute. Sur le nez, d’énormes lunettes jaunes orange Valentino. Tout de suite, il parle de l’ouverture d’un nouveau petit marché, au bout du village. Il s’étonne du nombre de visiteurs, le jour de l’inauguration, et des voitures, toutes ces voitures parquées devant et jusque vers le cimetière. Il en déduit que le patron doit être quelqu’un de «sintùtu», quelqu’un qu’on écoute… Sinon, pourquoi se seraient-ils déplacés? C’est la seule explication. Quand même, il se demande qui ça peut bien être. Des clients émettent un avis. En tout cas, il n’est pas du village.
Dans La Repubblica, Orazio La Rocca fait le point sur la béatification de Jean-Paul II. On cherche des miracles. Une sœur française a été guérie de la maladie de parkinson grâce à son intercession. Au-dessous de l’article, un encart: à Reggio Calabria, peu après l’entrée dans une église de la dépouille du médecin qui s’est jeté sous un train après avoir tranché la gorge de son fils, la statue de la Madone a pleuré. Il y a de nombreux témoins. Sur le même sujet, trois pages dans La Gazzetta del Sud. On y appelle à la prudence.
Cela me rappelle qu’ici même, il y a quelques années, près du fleuve, un Saint est apparu sur un mandarinier. Illico, l’arbre devient un lieu de pèlerinage. Bougies, figurines, bibelots divers.
Pour mon grand-père, c’est clair comme de l’eau de roche: le prêtre s’est mis d’accord avec le propriétaire du verger.
(Prochain rendez-vous le 31 mai dans La Cité.)
image: Sandro Santoro
texte: Filippo Zanghì