Je réécoute les enregistrements de mon père.
Il me raconte son arrivée (cela fera 50 ans, le mois prochain).
J’entends sa voix. Nous sommes dehors (j’entends les bruits de la circulation).
Il me raconte la ville d’alors. Et la plaine. Et cette ligne de tram qui filait au milieu.
La maison (tous les hommes à l’étage), propriété de l’entreprise qui les employait.
Les longs parcours à pied, pour aller travailler.
(Saxophone, dans la rue, près de nous. Klaxons. Rumeurs – j’écoute.)
Il y a moins d’une heure, nous partagions un repas. Maintenant, j’ai le casque sur les oreilles. Des photographies sous les yeux.
Je ne sais plus très bien ce que j’entends, ce que je vois.
Je regarde l’homme qu’il était à mon âge…
Et quelque chose me revient.
J’étais sur le départ, je me souviens. Je voulais faire un grand voyage.
J’ai demandé à mon père de m’écrire une lettre.
Je voulais qu’il adressât une lettre à l’hôtel où je séjournerais, à l’autre bout du monde.
Cette lettre m’est bien parvenue (j’étais dans cette ville inconnue). Et la lisant, j’eus la sensation que j’étais parti simplement pour cela, pour que la lettre fût écrite.
Pas un mot, pourtant, ne me revient (à part mon nom). Pas une phrase.
Mais sa voix… J’entends distinctement sa voix, à l’autre bout du monde.
image: Sandro Santoro
texte: Filippo Zanghì
les Larmes !
Très émouvant…
D’autant plus avec cette photo…